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« Sensible silence » – L’article de Christina Goh en épisode de podcast

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Extrait du blog « Confidences Poétiques »

Sensible silence

L’échec à un examen, le premier coup d’une attaque verbale ou physique, la perte irréparable matérielle, la déclaration de faillite d’une entreprise ou d’une réputation, la séparation brutale d’un proche, l’annonce de la mort d’un être cher, l’annonce d’une catastrophe naturelle mortelle…
Aviez-vous remarqué le silence absolu juste après ? En soi ? Une fraction de seconde.
La tétanie qui succède au choc ? Un si court mais tellement profond silence…

Oui, ce silence… Avant toute réaction.
Bien sûr viendra la larme qui féconde ou le cri de détresse ou de rage, ou encore la main tendue, ou le coup contre l’autre ou contre soi-même… Mais le silence… Qui l’entend ?

Fragile silence…Presqu’imperceptible… Pudeur d’une fraction de seconde, dans laquelle réside l’indicible de ce qu’on appellerait humanité ; douleur indescriptible et horrible, écho d’un intime absolu. Il se révèle brutalement à soi-même. On ne soupçonnait même pas son existence, non, pas avant d’avoir si, tellement mal. Et dans cette continence terrible, dans la chambre haute chauffée à blanc de son intérieur, avant de basculer dans le vide par l’action ou dans les limbes de la folie, oui, dans cette intensité paradoxalement silencieuse, réside en une seconde d’éternité, ce qui nous dépasse depuis toujours : la vie elle-même. Pourquoi suis-je là à cet instant ?
C’est l’horrible vérité du terre à terre : A-t-on jamais décollé ? S’est-on jamais élevé ?
La réalité de l’humilité intrinsèque de l’humain.

Humilité, du latin humilitas (dégradation), dérivé de humus (terre). Fragile ! Attaché à la terre, à sa rudesse, à la poussière ! Comment réagir à l’impuissance, aux limites de l’espèce ? Qui a jamais respecté le silence du condamné à mort ? Ô implacable grande histoire quand « l’échafaud est le seul édifice que les révolutions ne démolissent pas. » [1]

Et à l’intérieur de soi, devient vite insupportable le sensible silence qui suit le choc et sa douleur. Qu’on souhaite de plus en plus court. A vouloir qu’il disparaisse, ainsi que l’humilité et l’univers fruste qui lui est attaché. D.O.U.L.E.U.R.
SURMONTER CE SILENCE tout de suite, vite, vite pour pouvoir s’envoler pour une réalité hors sol ; là-bas, parmi les nuages divers de fantasmes où celui qui est différent n’a pas de consistance, n’est plus Homme mais Objet dont on doit se débarrasser. Déshumanisation de l’autre, de soi-même, de tous. JUSTE AVOIR MOINS MAL. Pour l’illusion d’avoir briser le cycle mortel…
Or le désespoir est une tombe.

Quand la souffrance tient l’âme coite, combien de pulsations [2] dans le corps en vie habitent le silence ?
Elles renouvellent l’essence, témoignent du mystère qui coule dans les veines, nourrissent l’être entier en une fraction de seconde.
Ainsi, rassembler les forces de ce qui compose le vivant…

L’échec à un examen, le premier coup d’une attaque verbale ou physique, la perte irréparable matérielle, la déclaration de faillite d’une entreprise ou d’une réputation, la séparation brutale d’un proche, l’annonce de la mort d’un être cher, l’annonce d’une catastrophe naturelle mortelle…
Silence.

Christina Goh

[1] Citation extraite de l’ouvrage « Le Dernier Jour d’un Condamné » (1829) de Victor Hugo
[2] « 
A la sortie du cœur, il (le sang) s’engage dans l’aorte à la vitesse de 33 cm par seconde, puis ralentit jusqu’à 0,3 cm à la seconde lorsqu’il atteint les capillaires. » Source