Sur l’histoire de « Perceptions » – Extrait de « ALLIANCE – Dialogue avec l’ombre qui espère »

De nos perceptions…
Extrait chapitre 4 : Alliée
de l’ouvrage « ALLIANCE – Dialogue avec l’ombre qui espère » de Christina Goh.

Laisse tomber les invectives
Nos émois en perspective…

Deux phrases qui émaillent la chanson « Perceptions ». Quand Rehegoo Music Group me contacte pendant l’été 2020 pour me demander un opus particulier et entraînant, je laisse la question en suspens. Je souhaite savoir si j’aurai une inspiration… ou pas. L’équipe est plus jeune que moi et c’est une autre façon d’envisager la musique… Et depuis quelque temps me taraude cette question sur la perspective….

C’est cette discussion inouïe entre le scientifique allemand Einstein, (1879 – 1955), physicien théoricien, auteur de la théorie de la relativité et le poète indien Tagore, (1861 – 1941), compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien, au 20e siècle, sur la simple perception d’une table !
Ce qui suit est extrait d’une Conversation sur la Vérité tirée de l’Appendice du livre de Tagore intitulé La religion de l’Homme, transcrivant la série de Conférences Hibbert qu’il avait données à Oxford au cours d’une tournée où il avait échangé avec Einstein :

« Einstein : Même dans notre vie quotidienne nous nous sentons forcés d’attribuer une réalité, indépendante de l’homme, aux objets dont nous faisons usage. Nous agissons ainsi pour établir une relation raisonnable entre les communications diverses faites par nos sens. Par exemple, s’il n’y a personne à la maison, cette table pourtant reste où elle est.

Tagore : Oui, elle reste en dehors de l’intelligence individuelle mais non en dehors de l’intelligence universelle. La table que j’aperçois est perceptible par la même sorte de conscience que je possède. (…) Dans l’appréhension de la vérité existe un conflit éternel entre l’esprit humain universel et le même esprit enfermé dans l’individu. Il y a une conciliation perpétuelle qui s’établit entre notre science, notre philosophie et notre éthique. En tout cas, s’il existe une vérité absolument sans rapport avec l’humanité, alors, pour nous, elle est tout à fait non-existante. (…)

Einstein : Alors je suis plus religieux que vous !

Tagore : Ma religion réside dans l’accord de l’Homme supra-personnel, l’Esprit humain Universel, avec mon être individuel (…) »

Sans me perdre dans des considérations philosophiques que je suis loin de maîtriser, j’ai simplement compris en toute simplicité que ces deux éminents génies de l’histoire humaine étaient capables d’échanger leurs perspectives et nous transmettaient la plus basique des vérités : nos sens et notre expérience nous permettent une perception qui sera toujours relative.

Nous sommes obligés de communiquer et d’échanger pour comprendre l’autre. L’harmonie avec tout autre être quel qu’il soit devient une quête constante basée sur la bonne foi et la volonté. En gros, ce « nous », la paix avec l’autre, est une guerre avec soi-même pour ne pas penser que son opinion est maître suprême.
Si vis pacem, para bellum en latin, qui se traduit par : si tu veux la paix, prépare la guerre. La guerre contre ta vanité.

Etant vocaliste de blues et de chanson réaliste, ayant lutté pendant toute ma carrière pour mettre en valeur les percussions traditionnelles comme principal instrument rythmique dans les musiques actuelles, j’ai eu surtout tendance à privilégier la réflexion et les paroles sur tout rythme entraînant, dans une démarche plutôt solennelle, selon mon concept. Mais si je voulais être dans l’esprit de ces idéaux dans lesquels je m’inscrivais avec le site More of Us Project, il me fallait aller plus loin, surmonter mes limites et aborder autrement ma relation à la musique et au corps. Une thématique que j’avais commencé à aborder dans l’ouvrage « Ancre ». Avec « Perceptions » et Rehegoo, l’occasion m’était donc donnée de dépasser mes repères habituels et de faire un pas vers ce qui reste pour moi un inconnu musical, et ce, dès la conception même de cette nouvelle chanson-expérience… Ecrire un titre léger, entraînant, sans me trahir.

Tout d’abord un format classique : Couplet, refrain, répétition de refrains propres à la musique populaire. Le squelette de la chanson, si elle traite de nos perceptions, se devait d’être le plus proche possible de ce qui est communément admis. Couplet, refrain, certes mais en poésie. L’art poétique étant l’art populaire par excellence depuis nos berceuses d’enfant. Et oui, nos comptines ne sont-elles pas de la poésie ? Le texte étant un appel direct à l’autre : on laisse tomber la peur, essayons de nous expliquer et de trouver un terrain d’entente. 
Ensuite dans la mélodie d’origine, il me fallait plusieurs élans dans la rythmique des mots. Il s’agissait de réunir dès leur rédaction, l’esprit de ces musiques parmi les plus populaires qui ont rassemblé et apporté un peu plus d’harmonie universelle dans ce monde…  La cadence des couplets allaient me le permettre : une partie bossa nova[20], une partie chanson, puis rock, une partie lyrique et laisser la place à une animation instrumentale sans jamais délaisser la trame et la cohésion de l’ensemble.

Une fois la chanson écrite, il me fallait trouver un musicien audacieux et assez ouvert d’esprit pour pouvoir évoluer de la bossa au rock en passant par un clin d’œil au classique. J’ai tout de suite pensé à Peewaï, musicien français rock indépendant, organisateur également de concert métal en Martinique dans les Caraïbes ! J’avais tourné avec lui onze ans auparavant, et nous avions gardé contact. Globe-trotter, passionné par la musique classique et alternative, et explorateur de toutes les autres, navigateur et randonneur, dévoué à l’autre (Peewaï le multiinstrumentiste fut également sauveteur bénévole en mer), il a toujours suscité mon admiration humainement et musicalement. Aux manettes donc de l’arrangement intégral du titre, Peewaï ajoutera un élément fondamental à cette perspective musicale engagée : une batterie caractérielle tout le long du morceau, compagne de ma voix, s’adaptant progressivement aux différentes phases de métamorphoses de l’œuvre.

Le titre « Perceptions » est difficile à chanter. Les intonations et les attitudes étant différentes dans chaque partie de l’opus, tout en devant s’inscrire dans une harmonie d’ensemble sur un rythme soutenu. Tout doit être fait dans une certaine subtilité car l’ensemble se doit d’être naturel et couler de source. Rappelez-vous, ici, nous nous inscrivons dans la démarche d’un morceau entraînant, accessible, loin de l’idée qu’on se ferait d’un titre conceptuel même si la chanson l’est.

Le but de tout ce travail étant bien, à l’image du projet « More of Us Project » dans lequel la chanson « Perceptions » s’inscrit, d’adresser  une invitation à celui qui écoute pour échanger et envisager une perspective commune.

Laisse tomber les invectives
Nos émois en perspective…

Je ne sais pas si cette chanson parlera à plusieurs et à beaucoup (émois), une chose dans tous les cas, est sûre :  elle m’aura permis de surmonter des réticences personnelles inutiles, de redécouvrir l’histoire de ces styles musicaux qui ont rassemblé tant d’humains et leur ont permis de construire des arcs pour aller à la rencontre de l’autre tout en embrassant une vue plus globale de l’ensemble. Cet accord de l’individuel avec l’Universel et plus si affinités pour reprendre l’idée de Tagore.

« Perceptions » m’aura permis de grandir un peu plus. 
Oui, on ne finit jamais d’apprendre…

Christina Goh – Extrait ALLIANCE – Dialogue avec l’ombre qui espère. Anthologie. (2023).

Vidéo

Le conceptuel « Perceptions feat. Peewaï » réalisé par Baptiste Auffray avec Muse & Ruse Production en janvier 2021, au Centre de Création et de l’Innovation de Tours (MAME) en France. La vidéo illustre par technique d’incrustation le titre « Perceptions » rendant hommage à la différence de perspectives.

Christina Goh sur le site spéciallisé US, Music.com, pour expliciter « Perceptions ».

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